Les acteurs de l’apprentissage le savent fort bien, la loi du 5 septembre 2018 a instauré, pour la première fois, la possibilité pour un « candidat à l’apprentissage » d’entrer dans un CFA sans employeur.
Le législateur a prévu une durée maximale de 3 mois laissée à l’intéressé pour qu’il trouve un employeur, avec l’aide du CFA.
L’article L. 6222-12-1 du code du travail prévoit même l’application du statut de stagiaire de la formation professionnelle, afin qu’une protection sociale soit clairement identifiée durant cette période de 3 mois.
Si le candidat à l’apprentissage trouve un employeur dans les 3 mois, tout va bien et l’OPCO (organisme financeur) auquel est rattaché l’employeur paiera rétroactivement au CFA la formation qui a été dispensée depuis l’entrée en formation.
En revanche, si le fameux candidat à l’apprentissage ne trouve pas d’employeur dans les 3 mois, il est censé quitter automatiquement le CFA au terme des 3 mois, et il se retrouve donc dans la nature, étant précisé que le CFA n’est évidemment pas payé au titre de la formation dispensée au cours des 3 mois précédents.
Voilà qui n’est pas très encourageant pour les CFA !
Néanmoins, en pratique, certains CFA sont gérés par des organismes dans lesquels il existe également un établissement d’enseignement supérieur privé, et ces derniers peuvent proposer aux fameux candidats malheureux (sans employeur) de souscrire à une année d’études payante en formation initiale au sein de l’établissement d’enseignement supérieur privé (ou technique supérieur privé).
Là où le bât blesse, c’est que la plupart des établissements font alors payer une année d’études complète, ce qui revient à rendre payant, à titre rétroactif, la formation reçue au cours des 3 premiers mois au sein du CFA.
Ce qui devait être dépourvu de tout engagement financier de la part du candidat à l’apprentissage ne l’est finalement pas vraiment.
Du point du vue du droit de la consommation, il y a ici un sujet qui intéressera les spécialistes du droit consumériste.
Pour notre part, nous estimons que, en application du code du travail, il convient de s’interroger sur la possibilité pour l’organisme gestionnaire d’un CFA de laisser la possibilité à l’établissement d’enseignement supérieur privé, avec lequel des liens étroits sont établis sur le plan juridique et/ou économique, de faire payer une année d’études complète au candidat malheureux (sans employeur au bout de 3 mois), alors que les 3 premiers mois n’ont pas été réalisés dans ledit établissement d’enseignement supérieur privé, mais dans le CFA (en qualité de candidat à l’apprentissage).
En droit, il faut se rappeler que l’article L. 6221-2 du code du travail vise l’absence de contrepartie financière pour l’apprenti, mais pas pour le candidat à l’apprentissage qui est sans employeur.
Est-ce que cela signifie, pour autant, que les CFA pourraient faire payer des droits d’inscription ou des frais de scolarité au candidat à l’apprentissage lorsqu’il démarre le cycle de formation par apprentissage ?
La réponse est négative selon notre analyse, car le candidat à l’apprentissage a pour vocation première de devenir apprenti, en trouvant un employeur avec l’aide du CFA avant l’expiration de la période maximale de 3 mois.
L’intégration dans le cycle de formation par apprentissage signifie une entrée dans le CFA, lequel obéit à l’ensemble des missions et obligations légales des CFA, si bien que l’exécution de ces missions et obligations n’ont jamais vocation à être rémunérées par l’apprenti ou le candidat à l’apprentissage, mais seulement par les OPCO et les employeurs.
Il peut cependant exister un débat juridique sur ce sujet sensible, car l’article L. 6221-2 précité ne vise pas le candidat à l’apprentissage lorsqu’il s’agit d’interdire au CFA de demander une quelconque contrepartie financière à l’apprenti.
Même si le législateur n’est pas allé jusqu’au bout sur les règles applicables à ce candidat à l’apprentissage, il faut savoir tenir compte de l’environnement juridique pour analyser la situation de ce dernier sur les aspects financiers liés au coût de la formation dispensée.
Nous conseillons aux établissements d’enseignement supérieur qui accueillent, dans le prolongement d’un parcours de formation, des candidats à l’apprentissage malheureux de ne pas avoir trouvé d’employeur au bout de 3 mois au sein d’un CFA de ne pas leur demander de payer une année d’études complète, mais par exemple 9/12ème ou 7/10ème du prix d’une année d’études (selon qu’il s’agit d’un cycle de 12 mois ou de 10 mois), afin de tenir compte de l’exécution des 3 premiers mois de formation au sein du CFA.
Ce conseil vaut tout particulièrement pour les CFA et les établissements d’enseignement supérieur privé qui sont gérés par un même organisme ou qui appartiennent à un même groupe.
À ce stade, il n’existe pas, à notre connaissance, de remise en cause des pratiques susvisées à l’occasion d’un contrôle administratif et financier DR(I)EETS, mais il s’agit probablement d’un sujet qui n’est peut-être pas encore traité dans les campagnes de contrôle.
La baisse des recrutements d’apprentis liée à la nouvelle politique budgétaire de l’Etat (baisse ou suppression des aides ou allègements de charges accordés aux employeurs) risque d’entraîner une multiplication des problématiques de ce type.
N’hésitez pas à nous faire part de vos expériences et vos analyses dans ce domaine.
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